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Sado

L’île de Sado, dans la préfecture de Niigata et dans la Mer du Japon, peut-être considérée le berceau du taïko moderne. Voici l’histoire du groupe Ondekoza, né dans ce lieu de recueillement, Nature et tradition.


Ondeko (鬼太鼓) est un mot composé de « démon » et « tambour », et c’est juste une autre façon de lire ces idéogrammes qui normalement se prononcent ONIDAIKO.

Le Oni n’est pas les diable comme on l’entend en Occident. C’est un personnage qui pourrait ressembler à un elfe, un ogre, un faune des bois…





En tout cas il a un aspect épouvantable et est généralement porteur de catastrophes et de punitions. Selon le livre Les Créatures mythologiques, les oni auraient été plutôt à l'origine des esprits qui protégeaient les humains de certaines créatures malfaisantes, mais dont la proximité avec les forces des ténèbres aurait avili la nature pacifique.


Voilà, je pense que c’est dans cet esprit que les danses et musiques Ondeko, typiques de Sado, doivent être entendues. La majorité des villages de l’île ont leurs rituels et festivals, en 5 ou 6 styles Ondeko différents ; ces danses et traditions super-charmantes représentent des prières pour une bonne récolte et pour la santé des familles.




Dans certains villages seulement les artistes, dans d’autres ce sont tous les habitants qui dansent, et presque tout le temps c’est le taiko qui donne le rythme.


Les costumes sont le top pour les amateurs de folklore ! Sado est l’un des endroits les plus riches en culture, tradition et folklore du Japon entier.


Quittons l’île pour un moment et déplaçons-nous à Tokyo en 1950. Pendant que Mr Oguchi invente le kumi-daiko à Okaya, un autre jeune homme fréquente une prestigieuse université de la capitale. Il s’appelle Den Tagayasu et il a des idées politiques très fortes, qui l’amènent à participer à des manifs violentes. Par crainte d’être arrêté par la police, il quitte Tokyo et part à l’aventure, d’abord en ouvrier au port de Kobe, puis en Allemagne où il subit du harcèlement raciste.


En 1958, il débarque à Sado et tombe amoureux de la nature et des paysages de l’île, du charme des maisonnettes traditionnelles, et notamment du style Ondeko, au point d’y revenir dix ans après, pour y vivre avec sa famille.

Den voit les jeunes partir chercher du travail dans les grandes villes et a envie d’attirer sur l’île de nouveaux habitants et de réveiller l’intérêt des gens sur la musique folklorique japonaise. En 1970 il anime un cours d’été. Une quarantaine de personnes participent. Parmi eux, il y en a qui se passionnent au taiko et restent sur l’île pour pratiquer au quotidien. En 1971, le groupe Ondekoza est né. Les membres habitent ensemble comme dans une commune. Ils ont leur potager, leur atelier de poterie, leur salle d’entraînement. Peu après, il décident de consacrer l’encaissement des concerts à la construction d’un Centre d’Études. Ils partagent la même conviction sur la pratique du taiko : pour eux, l’étude des rythmes ne peut pas faire abstraction d’un lourd entraînement physique. Pour Den, la formule de vie est « jouer + courir ». Tous les jours ils se lèvent à 4h du matin pour courir 10 km, dans la neige ou dans n’importe quelle condition. Ils ont donné leur premier concert aux Etats Unis en 1975, après avoir couru la Marathone de Boston ! Mr Oguchi œuvre une coupure avec la tradition, invente le kumi-daiko et fonde le premier groupe, c’est vrai. Mais c’est grâce à Ondekoza que le concept de groupe taiko se répand dans tout le Japon, et aussi à l’étranger.


Après 10 ans de tournées nationales et internationales, le groupe se sépare en 1980. Les membres qui quittent l’île s’appellent toujours Ondekoza et vont vivre ailleurs. Ceux qui restent prennent le nom de Kodo et vivent là-bas encore aujourd’hui. Leur Centre d’Études et leur festival Earth Celebration ont un grand succès.

Il m’est arrivé de faire une audition pour passer deux ans de pratique à Sado dans l'école de Kodo. A l’époque mon japonais était fluent et les échanges furent faciles et cordiaux. J’habitais déjà en France, et eux, ils avaient besoin de me faire une audition en présence, donc on n’en fit rien. J’ai fait du taiko en Écosse par la suite, mais la nostalgie de Sado, île jamais visitée, reste au fond de mon cœur. La vie m’a fait cadeau de ce lieu par d’autres chemins: un roman d’Amélie Nothomb, « Ni d’Adam ni d’Ève ». Je souhaite donc partager avec vous une partie de sa visite à Sado :

L’intérieur des terres se révéla infiniment plus beau et étonnant que la côte. Le clou, se furent les immenses vergers de kakis enneigés : par une bizarrerie de la nature, les plaqueminiers, qui perdent leurs feuilles en hiver comme tous les arbres fruitiers, ne perdent jamais leurs fruits, même quand ceux-ci ont dépassé le stade de la maturité. Dans les cas extrêmes, les arbres vivants portent leurs fruits morts, évoquant une descente de croix. Mais l’heure n’était pas aux cadavres et j’eus droit aux arbres de Noël les plus stupéfiants : ces plaqueminiers noirs et nus, chargés de kakis mûrs à souhait, sur l’orange desquels la neige formait une couronne lumineuse. Un seul arbre ainsi orné eût suffi à m’exalter. J’en vis des armées, figées dans les prairies désertes : la tête me tournait tant d’admiration que de désir, car les kakis à point font mes délices. Hélas, j’eus beau sauter, je n’en attrapai aucun.



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