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Ceci n'est pas un chaman.

Dernière mise à jour : 15 mars

Pour reprendre un peu le fil du discours, disons que la question se pose pour les personnes ayant une intense activité spirituelle, souvent "exotique". Ces personnes ont parfois des problèmes de coordination et sont donc tristes de ne pas avancer comme elles le voudraient dans l'apprentissage du taiko, tambour qui les fascine beaucoup et qui les fait "sentir mieux".


Encore un fois je vais simplifier, et choisir le mot "chamanisme" pour inclure la totalité des pratiques new age. Pourquoi le chamanisme chez nous n’arrive-t-il pas à aller plus loin qu’une mode, une tendance, un espoir ?



Parce que, avouons-le, il nous manque le parcours. Des siècles et des siècles d’Illuminisme, de culture rationnelle, de progrès dans l’industrie, ne sont pas le contexte où un chaman puisse célébrer une cérémonie pour le bien de la communauté. Un rituel chamanique a pour moi un sens dans sa civilisation d’origine ; chez nous, c’est juste un élément emprunté à quelqu’un d’autre. Je dirais presque une invasion.


Pouvons-nous vraiment le sortir de son environnement et le jeter dans notre culture comme un jouet, qu’on laisse et qu’on reprend selon notre agenda ? Peut-on vraiment assister à un rituel où les forces invisibles sont conviées, et puis le lendemain enseigner les stratégies de marketing aux jeunes ou conseiller financièrement nos clients ? Le chaman n’est pas un maître de cérémonie. Il a toute un culture autour de lui. Le chaman fait le lien entre deux mondes. Il crée une énergie collective à travers les cérémonies mais il fait aussi « arriver »

des choses, des forces, qui restent invisibles pendant notre quotidien. Son rôle est de communiquer avec les esprits au nom de sa communauté. Intermédiaire entre le monde palpable, de la matière, et un monde holistique, il connaît

les deux mondes. On ne peut pas prévoir quel type de forces arriveront de « là-bas ».



Le sage du village sait comment les gérer ; c’est son « métier ». Un inconnu qui nous propose un voyage chamanique payant, c’est quelque chose de différent. Il a sûrement étudié, lu des livres sur le sujet, parlé avec des personnes, voyagé. Toutefois, à mon avis, tout ce qui se passe pendant une séance chamanique « occidentale » est seulement le résultat de notre espoir, de la forte envie d’expansion de notre être. Portés par la suggestion, nous vivons des choses parfois réelles, parfois imaginaires, parfois inoffensives, parfois dangereuses.


Eviter les pratiques spirituelles alors ? Certainement pas. Les occidentaux ont besoin de retrouver cette énergie de groupe, ce esprit de communauté ; ils ont besoin de se laisser guider par quelqu’un qui a un rapport privilégié avec la conscience élargie. Que faire alors ?

Déjà, comprendre que ce que nous faisons en Europe n'est pas du vrai chamanisme. Ensuite, je pense que nous pouvons déjà étudier les bienfaits d’une cérémonie, d’un chant, d’un son, et les utiliser sans dénaturer des rituels qui ne nous appartiennes pas (qu’entends-je par « dénaturer » ? Par exemple en faisant payer avec l’argent des COURS de chamanisme : horreur !).


Les mécanismes liés aux bienfaits sont communs à toute l’humanité. L’élément commun est : un état modifié de la conscience, où les deux hémisphères du cerveau (esprit rationnel et esprit intuitif) retrouvent un équilibre. Voyons donc ce que cela signifie pour nous (nous les européens).


LA SPIRITUALITÉ EN EUROPE

La recherche humaine d’un état altéré, la curiosité envers les mondes invisibles, en Occident, se manifeste notamment au Moyen Age dans les pratiques chrétiennes de renonce et de sacrifice. Au contraire, la spiritualité non religieuse, la spiritualité des la Nature, fait peur à l'Église.



La peur d'un pouvoir spirituel non contrôlé se concretise, tout le long de la Renaissance, dans la chasse aux sorcières, dans la persécution des philosophes « libres », des gens qui avaient un rapport privilégié avec l'univers. Des rituels secrets, ayant lieu dans les bois et riches en symboles de la terre (arbres, plantes), étaient considérés des pratiques diaboliques.




Et d'un côté c'est compréhensible, car la connaissance des plantes et d'herbes un peu spéciales facilitait les états de transe, qui de loin pouvaient ressembler à des danses sataniques. On assiste à la naissance de la curiosité pour les états altérés de conscience.

Cette curiosité, à notre époque, s’exprime d’abord par le biais des drogues et dans l’environnement des artistes, des poètes maudits (notamment France XIX siècle) jusqu’aux écrivains des années ‘50 (notamment États Unis). Les drogues telles que le LSD sortent du contexte artistique et se « popularisent » pendant les années ‘60.


Très populaire le peyotl, qui symbolise un peu la redécouverte des civilisations amérindiennes, les voyages au Mexique en quête de chamanisme, de hutte à sudation, de reconnexion avec la Tèrre-Mère, d’empathie envers les populations indigènes privées de leur territoire physique et spirituel.


La découverte de l’Inde et de la spiritualité orientale ouvre au plus grand nombre la possibilité d’altérer la conscience par des actions : méditation, danses rituelles, tantra, émanation de sons en groupe (mantras), yoga, cérémonies autour d’un gourou, visites de lieux sacrés à la forte énergie.


Ces trois dernières décennies ont permis aux Occidentaux de faire des études intéressantes et mettre en lien les rituels et les phénomènes de guérison des autres cultures avec nos découvertes scientifiques. En gros, tout ce qui se passe dans notre corps et esprit pendant un état altéré de conscience, peut être décrit par le langage des philosophies orientales (tao, tantra, yoga, hindouisme, zen, cérémonie ayahuasca) ou par un langage scientifique : le phénomène sera le même.





Il est intéressant de constater, en tout cas, que Michel Houellebecq, dans les années 1990, avait déjà creusé l'attitude superficielle de certaines catégories. A travers "Les particules élémentaires", l'auteur lance ses invectives contre certaines conceptions philosophiques matérialistes, dénuées de valeurs morales, et contre certaines révolutions libertaires qui se sont imposées depuis les années 1960 et ont détruit les noyaux sociaux en imposant un individualisme immodéré. Le résultat est une société atomisée, composée de particules élémentaires indépendantes flottant dans l'espace sidéral. Les critiques les plus virulentes sont adressées à la culture hippie, qui s'est ensuite développée pour devenir la culture new age qui exalte l'hédonisme et le bien-être comme une fin en soi. Il s'agit d'une culture utopique et irréaliste, ainsi qu'hypocrite car elle est souvent entièrement extérieure et ne repose pas sur de véritables convictions.




Nous venons de reparcourir la quête spirituelle des occidentaux jusqu'au XX siècle. Maintenant, en plein XXI siècle, nous pouvons avoir un peu de recul et combiner les connaissances acquises en "méditation" et en sciences neuronales, ainsi qu'en psychologie. A ce propos, je pense avoir fait une découverte intéressante.


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